Méthode d’étude d’un régime sinusoïdal forcé

Représentation complexe des signaux sinusoïdaux

Comme nous allons le voir, l’étude d’un régime sinusoïdal forcé est largement simplifiée par l’introduction des grandeurs complexes et plus précisément des représentations complexes des signaux sinusoïdaux. Nous allons commencer par définir ces grandeurs et voir leur propriétés.

Représentation complexe d’un signal sinusoïdal

Définition : Représentation complexe d’un signal sinusoïdal

Considérons un signal sinusoïdal de la forme \(s(t) = s_m \cos (\omega t + \varphi)\). On définit la représentation complexe \(\underline s(t)\) du signal \(s(t)\) par la grandeur:

(88)\[\begin{equation} \underline{s}(t) = s_m \exp j\left(\omega t + \varphi\right) \end{equation}\]

On définit aussi l’amplitude complexe \(\underline{s_m}\) du signal \(s(t)\) par la grandeur:

(89)\[\begin{equation} \underline{s}(t) = s_m \exp \left(j \varphi\right) = \frac{\underline{s}(t)}{\exp j \omega t} \end{equation}\]

Important

Fondamental : Relation complexe-réel

On a les relations suivantes:

\[\begin{align*} \textrm{Grandeurs réelle :} &s(t) = \Re \left (\underline{s(t)} \right) \\ \textrm{Amplitude (réelle) :} &s_m = \left\vert \underline{s_m} \right\vert = \left\vert \underline{s(t)} \right\vert \\ \textrm{Phase à l'origine :} &\varphi = \arg(\underline{s_m}) \end{align*}\]

Ces relations sont fondamentales car elles permettent de déduire les caractéristiques (amplitude et phase à l’origine) du signal réel (ce qui nous intéresse au final) connaissant la grandeurs complexes associées (ce qu’on déterminera en premier).

Opérations sur les grandeurs complexes

Important

Fondamental : Combinaison linéaire

La représentation complexe de la combinaison linéaire de deux signaux de même pulsation est égale à la même combinaison linéaire des représentations complexes de deux mêmes signaux:

(90)\[\begin{equation} s = \lambda_1 s_1 + \lambda_2 s_2 \Longrightarrow \underline{s} = \lambda_1 \underline{s_1} + \lambda_2 \underline{s_2} \textrm{ avec } (\lambda_1;\lambda_2) \in \mathbb{R}^2 \end{equation}\]

Important

Fondamental : Dérivation et intégration

La représentation complexe de la dérivée d’un signal sinusoïdal de pulsation \(\omega\) est égale à la représentation complexe du même signal sinusoïdal multiplié par \(j \omega\):

(91)\[\begin{equation} \underline{\frac{\rm{d}s}{\rm{dt}}} = j \omega \underline{s} \end{equation}\]

La représentation complexe de la primitive - de valeur moyenne nulle - d’un signal sinusoïdal de pulsation \(\omega\) est égale à la représentation complexe du même signal sinusoïdal divisé par \(j \omega\):

(92)\[\begin{equation} \underline{\int_s dt} = \frac{\underline{s}}{j \omega} \end{equation}\]

Démonstration (pour l’intégration)
On pose \(u(t) = A \cos \omega t + \phi\)

\[\begin{align*} \int u(t)dt &= \frac{A \sin(\omega t + \phi)}{\omega} = \frac{A \cos(\omega t + \phi - \frac{\pi}{2})}{\omega}\\ &\textrm{soit:}\\ \underline{\int u(t)dt} &= \frac{A e^{j(\omega t + \phi - \frac{\pi}{2})}}{\omega} = \frac{A}{j \omega} e^{j(\omega t + \phi)} = \frac{\underline{u}}{j \omega} \end{align*}\]

Ces dernières relations sont très utiles car nous allons pouvoir transformer l’étude d’équations différentielles en étude de polynômes.

Intérêt des grandeurs complexes

Nous allons voir à travers l’étude du cas présenté précédemment l’intérêt de la grandeur complexe. Essayer de le résoudre avec les grandeurs réelles (on rappelle qu’on sait que le régime forcé est un régime sinusoïdal de même pulsation que l’entrée) puis passer à la correction pour voir l’utilisation des complexes.

Exercice

On rappelle qu’on étudie le circuit ci-après. Le point qui reste à prouver est l’étude fréquentielle, c’est-à-dire l’étude du régime sinusoïdal forcé par un sinusoïde quelconque de pulsation \(\omega\). On rappelle que le but est prouver que la tension aux bornes du condensateur pour une entrée de la forme \(e(t) = e_m \cos \omega t\)est de la forme:

(93)\[\begin{equation} \frac{e_m}{\sqrt{1 + {\left(RC \omega\right)}^2}} \cos\left(\omega t - \arctan \left(RC \omega\right) \right) \end{equation}\]
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Impédances complexes

Nous avons vu comment, à partir de l’équation différentielle, obtenir un équation à une variable linéaire à résoudre simplement et comment de la représentation complexe ainsi déterminée remonter aux caractéristiques (phase à l’origine et amplitude) du régime sinusoïdal forcé.

Nous allons maintenant voir comment on peut “se passer” de l’établissement de l’équation différentielle en travaillant directement avec les grandeurs complexes. On obtiendra ainsi un système d’équations linéaire faisant intervenir les représentations complexes des grandeurs.

Pour ce faire, nous allons introduire la notion d’impédance.

Impédances complexes

Position du problème
Soit un dipôle linéaire passif. Dans un circuit en régime permanent sinusoïdal, il est parcouru par un courant \(i(t)=i_m \cos(\omega t + \phi_i)\) dont la représentation complexe est: \(\underline{i}(t)=i_m e^{j \phi_i} e^{j \omega t}\) et la tension à ses bornes est \(u(t) = u_m \cos(\omega t +\phi_u)\) dont la représentation complexe est: \(\underline{u}(t)=u_m e^{j \phi_u} e^{j \omega t}\).

Définition : Impédance complexe

On définit l’impédance complexe d’un dipôle par la grandeur:

(96)\[\begin{equation} \underline{Z} = \frac{\underline{u}}{\underline{i}} = \frac{\underline{u_m}}{\underline{i_m}} \end{equation}\]

Elle ne dépend pas du temps mais peut dépendre de la pulsation du circuit.

Important

Définition : Admittance complexe

On définit l’admittance complexe comme l’inverse de l’impédance complexe:

(97)\[\begin{equation} \underline{Y} = \frac{1}{\underline{Z}} = \frac{\underline{i}}{\underline{u}} = \frac{\underline{i_m}}{\underline{u_m}} \end{equation}\]

Ecriture complexe
On peut écrire: \(\underline{Z} = R + jX\) avec R et X réels. R est appelée la résistance du dipôle et X la réactance.

On peut écrire: \(\underline{Y} = G + jB\) où G et B sont des réels. G est appelé la conductance et B la susceptance.

On appelle impédance réelle \(Z\) le module de \(\underline{Z}\) et admittance réelle \(Y\) le module de \(\underline{Y}\).

Fondamental : Interprétation de l’impédance complexe

L’argument de l’impédance complexe définit le déphasage de la tension \(u\) par rapport à l’intensité \(i\).

Le module de l’impédance complexe est le rapport des amplitudes réelles des deux grandeurs.

Attention

On a \(\underline{Y} = \frac{1}{\underline{Z}}\) mais a priori \(R \neq \frac{1}{G}\) et \(X \neq\frac{1}{B}\)

Important

Fondamental : Intérêt des impédances

L’intérêt des impédances est qu’on peut traiter un circuit électrique en appliquant les lois de Kirchhoff directement avec les représentations complexes (car les lois de Kirchhoff sont linéaires) et en y introduisant des relations intensités-tension sous la forme \(\underline{u} = \underline{Z} \underline{i}\).

On pourra de même écrire: la loi des noeuds en terme de potentiels avec les représentations complexes des potentiels et les impédances(donc avec des condensateurs et bobines - cf. suite), les ponts diviseurs de tension et courant avec les impédances (donc avec des condensateurs et bobines dans les ponts) et on pourra associer des impédances comme on associe des résistances en série ou en parallèle.

Impédances des dipôles usuels

Important

Fondamental : Impédances usuelles

  • Cas d’une résistance: \(\underline{Z} = R\)

  • Cas d’une bobine: \(\underline{Z} = j L \omega\)

  • Cas d’un condensateur: \(\underline{Z} = \frac{1}{jC \omega}\)

Démonstration
Le cas de la résistance est triviale.

Pour la bobine, l’équation d’évolution s’écrit: \(u = L \frac{\rm{d}i}{\rm{dt}}\) soit en complexe \(\underline{u} = j L \omega \underline{i}\)

Pour le condensateur, l’équation d’évolution s’écrit: \(i = C \frac{\rm{d}u}{\rm{dt}}\) soit en complexe \(\underline{i} = j C \omega \underline{u}\)

Méthode: Etude d’un circuit RLC série

Nous allons voir ici comment utiliser directement les représentations complexes sur un circuit.

Exercice

On considère un dipôle RLC série relié à une source idéale de tension délivrant une tension \(e(t) = e_m \cos \omega t\). Déterminer la tension aux bornes du condensateur et l’intensité traversant le dipôle en régime sinuoïdal forcé.

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Méthode: Etude d’un circuit.

Nous allons voir sur un exemple l’utilisation de la loi des noeuds en terme de potentiel.

Exercice

On considère le circuit ci-dessous où E est la tension d’entrée. Déterminer la tension \(\underline{s}\) aux bornes du condensateur en régime sinusoïdal forcé.

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Passage fréquentiel-temporel

Passage réel-complexe

On parle aussi de passer du temporel au fréquentiel et inversement.

Rappel : Passage du temporel au fréquentiel. On rappelle que si l’on a établit une équation différentielle reliant des grandeurs du système, on peut passer à la relation entre les grandeurs complexes correspondantes en remplaçant chaque dérivée temporelle par \(j\omega\).

Passage du fréquentiel au temporel

On peut aussi faire l’inverse et déduire d’une étude des grandeurs complexes, l’équation différentielle qui le relit. Il faut (pour deux grandeurs s et e reliée):

  1. mettre le rapport \(\frac{\underline{s}}{\underline{e}}\) sous forme d’une fraction de deux polynômes en \(\omega\): \(\frac{P(j\omega)}{Q(j \omega)}\).

  2. mettre l’égalité sous la forme\(Q(j \omega) \underline{s} = P(j \omega)\underline{e}\).

  3. Remplacer chaque facteur \((j\omega)^n\) par la dérivée \(\frac{\rm{d^n}}{\rm{dt^n}}\)

Attention

Attention aux signes lorsqu’on passe du fréquentiel au temporel. En effet, le signe - pour le monôme de degré 2 vient en de \(j^2\) et doit disparaître (cf. exercice).

Méthode: Du fréquentiel au temporel

Exercice

On considère un système dont la relation entrée sortie entre les grandeurs complexes (on parle de fréquentiel) est:

(102)\[\begin{equation} \frac{\underline{s}}{\underline{e}} = \frac{1 - jRC \omega}{1 - LC \omega^2 + j RC \omega} \end{equation}\]

Déterminer l’équation différentielle qui relie les grandeurs \(s(t)\) à \(e(t)\).

Etude fréquentielle: Méthode et résultats importants

Exemple utilisé

Exercice Exemple de circuit utilisé

Dans toute la suite du chapitre, l’étude fréquentielle d’un circuit sera basée sur l’exemple du circuit RLC série. Il s’agit d’un exemple très classique qu’il faut maîtriser complètement.

On considèrera donc le circuit ci-dessous. On veut étudier le comportement fréquentiel de certaines grandeurs. On rappelle qu’il s’agit d’étudier les caractéristiques du régime sinusoïdal forcé pour une entrée sinusoïdale quelconque.

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Etude haute et basse fréquence d’un circuit

Il est important de pouvoir analyser le comportement asymptotique d’un système, c’est-à-dire les comportements haute et basse fréquence. On peut pour celà utiliser deux méthodes:

  • Etablir les équations et étudier le comportement limites des expressions complexes quand la pulsation tend vers 0 (basse fréquence) et vers l’infini (haute fréquence).

  • Analyser directement le circuit en remplçant les condensateurs et bobines par des équivalents haute et basse fréquence. On parle d’étude rapide et l’on va préciser cette méthode.

Important

Fondamental : Comportements basse fréquence de C et L

A basse fréquence, un condensateur se comporte comme un interrupteur ouvert et une bobine comme un fil.

Démonstration
A haute fréquence, l’impédance du condensateur tend vers l’infini et celle de la bobine tend vers 0.

Important

Fondamental : Comportements haute fréquence de C et L

A haute fréquence, un condensateur se comporte comme un fil ouvert et une bobine comme un interrupteur.

Démonstration
A haute fréquence, l’impédance du condensateur tend vers 0 et celle de la bobine tend vers l’infini.

Relecture

Les études hautes et basses fréquences sont utiles aussi pour la relecture. En effet, l’expression analytique d’une représentation complexe doit être cohérente avec ses comportements haute et basse fréquence. Si l’on trouve par une étude du circuit qu’une tension est nulle à haute fréquence, alors sa représentation complexe doit tendre vers 0 quand la pulsation tend vers l’infini par exemple. Il est conseillé (après avoir traité l’exemple donné ci-après) de reprendre les exemples traités précédemment et de faire l’analyse asymptotique du circuit. Vous vérifierez alors que les expressions trouvées sont cohérentes.

Méthode: Etude haute et basse fréquence

Exercice

Etudier la réponse haute et basse fréquence de l’intensité circulant dans le circuit et de la tension aux bornes du condensateur pour le circuit RLC série présenté précédemment.

Etude fréquentielle: Formes canoniques

L’expression des représentations complexes peuvent se mettre sous des formes de fractions de polynômes en \(j \omega\). On remarquera que la puissance maximale de ces polynômes correspond à l’ordre du système. Nous nous limiterons à des systèmes d’ordre 1 et 2.

On peut alors mettre la fraction sous une forme canonique faisant intervenir les caractéristiques du système: la pulsation propre et le facteur qualité pour un système d’ordre 2 par exemple.

Nous présenterons ici deux formes canoniques qui seront complétées par les formes canoniques des filtres dans le prochain chapitre.

Il faut pouvoir déterminer quelle forme est applicable à la grandeur étudié puis mettre l’expression calculée sous la forme en identifiant les élements caractéristiques (pulsation propre et facteur de qualité). Pour choisir la forme à appliquer, il faut connaître l’ordre du système et les comportements haute et basse fréquence.

Important

Fondamental : Comportement passe-bas d’ordre 2

Pour une grandeur d’un système d’ordre 2 dont le comportement haute fréquence est nul et le comportement basse fréquence non nul, sa représentation complexe peut se mettre sous la forme:

(105)\[\begin{equation} \underline{s} = \frac{A}{1 - {\left(\frac{\omega}{\omega_0}\right)}^2 + j \frac{\omega}{Q\omega_0}} = \frac{A}{1 - x^2 + j\frac{x}{Q}} \end{equation}\]

\(x = \frac{\omega}{\omega_0} \) est appelée pulsation réduite (attention, elle est sans dimension!).

Important

Fondamental : Comportement passe-bande d’ordre 2

Pour une grandeur d’un système d’ordre 2 dont le comportement haute et basse fréquence est nul, sa représentation complexe peut se mettre sous la forme:

\[\begin{align*} \underline{s} &= \frac{A}{1 + j Q \left(\frac{\omega}{\omega_0} - \frac{\omega_0}{\omega}\right)} = \frac{A}{1 + jQ \left(x - \frac{1}{x}\right)}\\ &= \frac{A j\frac{\omega}{\omega_0 Q}}{1 - {\left(\frac{\omega}{\omega_0}\right)}^2 + j \frac{\omega}{\omega_0 Q}} = \frac{A j \frac{x}{Q}}{1 - x^2 + j \frac{x}{Q}} \end{align*}\]

\(x = \frac{\omega}{\omega_0} \) est appelée pulsation réduite (attention, elle est sans dimension!).

Interprétation
Les termes passe-bas et passe-bande seront expliqué plus en détail au prochain chapitre mais on pourra déjà remarquer dans les études à venir qu’un passe-bas laisse passer les basses fréquences et qu’un passe-bande laisse passer une bande de fréquences.